Par Pinar Selek.
«Si une dizaine d’interventions militaires transfrontalières contre les forces kurdes, qui ont causé des milliers de morts depuis 1984, n’étaient pas connues en Europe, cette dernière intervention de l’État turc en Syrie est devenue visible dans les médias en Occident et est largement condamnée par la communauté internationale, grâce à l’engagement des militant.e.s kurdes contre Daech. Mais ce mécontentement ne s’est pas traduit encore par une indignation, sauf des groupes politiques déjà engagés auprès des Kurdes. Les journaux sont remplis de commentaires qui sont importants pour comprendre les dynamiques de cette barbarie. Oui, l’affaiblissement du gouvernement turc a favorisé cette aventure militaire qui peut pourtant accélérer sa fin. Par ailleurs, c’est la continuité des tentatives perpétuelles de la Turquie pas seulement pour la mise en place d’un “corridor de sécurité” dans le nord de la Syrie, mais surtout pour gagner du terrain dans cette zone qui est étirée par plusieurs forces, dont la Turquie, depuis 2012. Nous entendons les voix résistantes du mouvement kurde, mais en sachant les rapports de forces dans ce territoire, nous savons bien que de multiples facteurs, comme les positionnements des gouvernements de Damas, de Téhéran, de Moscou et de différents pays arabes, en détermineront les conséquences. Bien évidemment, sans oublier les Européens.
Oui, mais c’est difficile de contrôler ces dynamiques des dominants. Je ne comprends pas celles et ceux qui sont déçus par Trump… Nous ne pouvons pas faire confiance aux grandes puissances qui sont responsables des grands malheurs de notre planète. Regardons ce que nous pouvons faire. Les progressistes de la planète ? Nous n’avons pas d’armes, ni d’argent, mais sachons qu’une intervention civile, si elle est massive, peut aussi être une des déterminantes dans ce processus. Face à cette catastrophe humaine, nous devons suivre les tentatives de passer à l’action. Celles qui se passent en Europe sont importantes mais très insuffisantes, il faut une lutte pacifiste offensive. Il faut s’approcher du terrain. Par exemple, les médecins faisant partie de Médecins du monde ont lancé un appel d’urgence “en vue de monter une équipe internationale pour secourir les populations civiles, en situation très alarmante dans la région de Kamichlu”. Le docteur Jacques Bérès, connu pour ses engagements humanitaires au niveau mondial, appelle les chirurgiens, anesthésistes et généralistes, même sans expérience humanitaire, à “pouvoir faire quelque chose auprès de quelques-uns des dizaines de milliers de blessés qui vont tomber dans les prochains jours”. Est-ce que les grandes organisations internationales progressistes qui luttent pour les droits et libertés ne peuvent pas faire un appel pour construire ensemble un mur humanitaire ? C’est très difficile. Oui, mais ça peut changer la donne. Quand les pacifistes deviennent plus offensifs que les militaires, il y a plus d’espoir. »